Profilage social

Afin de mieux comprendre la problématique du profilage social et de la judiciarisation des personnes marginalisées, nous vous proposons ces quelques définitions qui vous permettrons d’avoir une idée plus claire des différents concepts en jeu.

Marginalité et itinérance

Nous utilisons le terme « personne marginalisée » pour appréhender une réalité diverse et complexe. En effet, la définition de la marginalité englobe une grande quantité d’enjeux ou de difficultés sociales vécues souvent simultanément par une personne, que ce soit l’itinérance, la dépendance aux drogues ou à l’alcool, le travail du sexe, les problèmes de santé mentale, l’isolement, etc. Le RAPSIM nous propose cette description :

[…] une image revient très souvent : la personne en situation d’itinérance, c’est la  personne « sans » : sans logement, sans emploi, sans famille, sans revenu, sans santé, sans droits…Chacun de ces manques, de ces privations, marque alors la fragilité qui constitue autant d’enjeux pour la personne qui le vit que pour la société qui tente d’y répondre. Alliant une lecture des causes individuelles à celle des causes structurelles, l’itinérance doit alors être comprise comme le produit d’un processus d’exclusion, de marginalisation et de vulnérabilisation qui contribue à nier une place dans la société à certaines personnes. (RAPSIM, 2003)

Le profilage social

Selon la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, «le profilage social désigne toute action entreprise par une ou des personnes en situation d’autorité à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes, pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de protection du public, qui repose sur des facteurs d’appartenance réelles ou présumées, telle que la condition sociale, sans motif ou soupçon raisonnable, et qui a pour effet d’exposer la personne à un examen ou un traitement différent.» (CDPDJ, 2009) La condition sociale est la position qu’occupe une personne dans la société en raison de son revenu, son métier ou son niveau de scolarité. Par exemple, on peut être retraité, sans-abris, étudiant, bénéficiaire de l’aide sociale, etc. (CDPDJ, 2013) Le profilage social des personnes itinérantes s’exerce en fonction de ce critère; soit à l’aide de signes visible de pauvreté ou de marginalité. Enfin, pour Lucie Lemonde, juriste et professeure à l’UQAM, «le profilage social inclut aussi toute action de personnes en situation d’autorité qui appliquent une mesure de façon disproportionnée sur des segments de la population du fait, notamment, de leur appartenance sociale, réelle ou présumée.» (Lemonde, 2010)

On peut voir le profilage comme la porte d’entrée du phénomène de la judiciarisation. Les personnes qui font l’objet de mesures répressives sont ciblées selon leur condition sociale réelle ou présumée, bref, si elles arborent des signes visibles que l’on peut associer à la pauvreté et à la marginalité. La simple présence dans des lieux publics de personnes itinérantes, pauvres ou marginalisées est souvent associée à des signes de désordre. Elles sont jugées davantage pour ce qu’elles sont que pour ce qu’elles font. (Ligue des droits et libertés, 2010) De plus, la majorité des fautes commises par ces personnes qui font l’objet d’une contravention sont ignorées chez le reste de la population. (Commission de la santé et des services sociaux, 2009) Par exemple, nous pouvons imaginer qu’un homme d’affaire en complet ne sera jamais interpellé parce qu’il traverse la rue à un autre endroit que la traverse piétonnière ou parce qu’il flâne sur un banc de parc. Les personnes marginalisées sentent donc qu’elles sont traitées de façon différente en raison de leur apparence physique, du fait qu’elles occupent l’espace public de quartiers en revitalisation ou parce qu’elles possèdent un dossier judiciaire. (Guimond et Harvey, 2012)

La judiciarisation

La judiciarisation désigne l’emprise croissante du droit sur différentes sphères de la vie. Cela renvoie au fait de recourir aux voies judiciaires pour gérer des situations qui pourraient l’être autrement. Dans cette optique, les interventions policières et l’utilisation des tribunaux sont les moyens privilégiés pour intervenir. (Hudon et Poirier, 2011) Si, dans certaines sphères de la société, la judiciarisation peut être une solution efficace pour gérer des problèmes, nous constatons plutôt l’inefficacité et les conséquences négatives de cette forme d’intervention auprès des personnes itinérantes.

Les règlements municipaux concernant l’occupation du domaine public sont la première source de judiciarisation des personnes itinérantes. (Commission des droits de la personne et de la jeunesse, 2009) Bien qu’à Québec, ces règlements aient été resserrés principalement en réaction à l’occupation d’une place publique par le mouvement Occupy et aux manifestations étudiantes du printemps 2012, ils touchent en réalité les personnes itinérantes de façon démesurée. En effet,  le Règlement sur la paix et le bon ordre de la Ville de Québec, mis à jour en 2009, puis en 2012, interdit de nombreux actes considérés comme des incivilités. Il couvre la majorité des infractions associées à l’itinérance. Entre autres, les articles suivants sont assez lourds de conséquences pour les personnes marginalisées :

« 5. Il est interdit à une personne, sans motif raisonnable dont la preuve lui incombe, de flâner, de vagabonder ou de dormir dans une rue ou dans un endroit public.

« 11. Il est interdit de mendier ou de solliciter dans une rue ou dans un endroit public. »

«19.1 alinéa 1° [Il est interdit de] construire, ériger, installer, déposer, maintenir, occuper ou faire construire, ériger, installer ou déposer une structure, une tente ou toute autre construction, équipement ou appareil servant ou pouvant servir d’abri. »

«19.3 Il est interdit de se trouver dans un parc entre 23 heures et 5 heures le lendemain.»

Les amendes associées aux infractions à ce règlement se situent entre 150 $ et 1000$, et s’élèvent minimalement à 300$ en cas de récidive. (Ville de Québec, 2012) Les policiers peuvent fixer le montant de l’amende à leur discrétion, bien qu’il y ait certaines normes informelles dans la pratique.

Abus policiers

La définition qui nous semble la plus juste est celle adoptée par le RAPSIM : Tout acte dérogatoire au Code de déontologie policière, de la simple insulte à l’acte de violence, en passant par la remise discriminatoire de contravention.