Les gens souffrant de troubles mentaux ont les mêmes droits que tout le monde !
Vous souvenez-vous de Simon Marshall ? C’est ce jeune déficient intellectuel qui a passé cinq ans de sa vie en prison pour des crimes qu’il n’a jamais commis et qui fut innocenté en août 2005, puis dédommagé par le gouvernement du Québec. Heureusement, on ne s’est pas limité à régler ce cas particulier. En effet, suite à cette erreur judiciaire, le Barreau du Québec a créé le Groupe de travail sur la santé mentale et la justice, dont le mandat est d’étudier le traitement que réserve le système judiciaire aux personnes atteintes d’un problème de santé mentale ou de déficience intellectuelle[1].
Le 24 mars 2010, le Groupe de travail a remis un rapport[2] qui conclut que notre système de justice est mal adapté aux besoins des gens présentant des troubles mentaux ou des déficiences intellectuelles. La Ligue des droits et libertés – Section de Québec accueille favorablement ce rapport, tout comme l’ont fait plusieurs groupes comme le groupe Action autonomie, l’Association canadienne de la santé mentale et l’Association des groupes d’intervention en défense des droits en santé mentale du Québec.
Le document présente d’abord des recommandations générales. Première constatation : il est nécessaire de mieux former les avocats pour qu’ils puissent travailler efficacement avec la clientèle présentant des troubles mentaux afin qu’elle ait un meilleur accès à la justice. On devrait également sensibiliser les autres acteurs du système judiciaire et de la santé et des services sociaux à ce problème.
Dans le domaine du droit civil, par exemple pour une mise en tutelle, une garde provisoire ou une ordonnance de traitement, les faits sont inquiétants. Les gens ayant des problèmes de santé mentale ne sont même pas représentés par un avocat dans la très grande majorité des cas ! C’est pourtant un service auquel tous les citoyens ont droit. Le rapport recommande donc que les services des avocats soient offerts à la clientèle présentant des troubles mentaux comme à tous les autres citoyens. Le Code de procédure civile doit aussi être modifié pour que ces gens soient obligatoirement représentés par un avocat « lorsque sont mises en cause l’inviolabilité, l’intégrité, la sécurité, l’autonomie ou la liberté de la personne en raison de son état mental […] » Également, les gens souffrant de troubles mentaux doivent enfin être informés directement de leurs droits. Ils doivent également avoir le droit d’être entendu par un juge en application des articles déjà existants[3] du Code de procédure civile, articles qui sont peu appliqués. Enfin, la situation de ces gens doit pouvoir être réévaluée à une certaine fréquence, en fonction de l’évolution de leur état, selon un mécanisme prédéterminé.
Dans le domaine du droit criminel, le rapport met d’abord en garde contre la judiciarisation des comportements dus à des troubles mentaux. On devrait plutôt privilégier l’hospitalisation, alors que le tiers de la population carcérale au Québec présente des problèmes de santé mentale[4]. Directement en lien avec l’affaire Simon Marshall, on recommande qu’il y ait enregistrement vidéo de toutes les déclarations faites lors d’interrogatoires par des policiers, surtout lorsqu’une personne ayant des troubles mentaux est en cause. Cela permettra au juge de pouvoir apprécier la valeur de ce témoignage selon les circonstances. Certaines dispositions du Code criminel doivent également être revues ou mieux appliquées pour que les individus subissent une évaluation psychiatrique plus rapidement et que leurs droits soient respectés. Tout comme dans le cas du droit civil, l’accès à un avocat doit être facilité, surtout pour les gens inaptes à subir leur procès.
Finalement, le groupe de travail conclut que les ambiguïtés et les limites de la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui provoquent souvent une mauvaise utilisation de celle-ci. Ainsi certaines décisions prises en application de cette loi risquent dans biens des cas de porter atteinte à l’intégrité et à la liberté de la personne.
La Ligue des droits et libertés – Section de Québec espère donc que les recommandations émises dans ce rapport ne le seront pas en vain et que des résultats concrets viendront.
Félix Brassard-Gélinas
Stagiaire en droit à la Ligue des droits et libertés – Section de Québec
[1] http://www.barreau.qc.ca/barreau/comites/sante-mentale-justice/index.html, consulté le 25 mars 2010
[2] Barreau du Québec, Rapport du groupe de travail sur la santé mentale et la justice, mars 2010
[3] Voir les articles 780, 884.4 du Code de procédure civile mais aussi les articles 23 et 276 du Code civil du Québec
[4] Louise-Maude Rioux Soucy, Trouble mental ou pas, tous ont les mêmes droit, Le Devoir, le jeudi 25 mars 2010, Vol. 101 No64, p. A5
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