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Mai 19

Réaction au jugement sur la validité de l’article 19.2

Le droit de manifester reste soumis à des contraintes excessives et inutiles

À la suite d’un jugement décevant du juge Jacques Ouellet de la Cour municipale de Québec sur la constitutionnalité de l’article 19.2 du Règlement sur la Paix et le bon ordre, la Ligue des droits et libertés, section de Québec (LDL-Qc) tient à rappeler la nécessité et la valeur démocratique des libertés civiles et politiques.

Si le juge déclare valides les 2 premiers paragraphes du règlement, il invalide tout de même le 3e paragraphe de l’article puisqu’il reconnaît qu’une manifestation ne peut pas être déclarée illégale à cause d’actes de vandalisme isolés, mais surtout qu’un manifestant ne peut pas être tenu responsable des actes d’autrui. « À notre avis, le même raisonnement aurait dû être appliqué aux deux premiers paragraphes » explique Sébastien Harvey, coordonnateur de la LDL-Qc.

D’ici à ce qu’une analyse plus approfondie du jugement puisse se faire, la LDL-Qc tient à rappeler ses principaux arguments contre l’article 19.2.

 

L’article 19.2 ne se justifie pas dans le contexte paisible de la ville de Québec

« Si nous ne contestons pas le fait que les autorités doivent sanctionner la commission d’actes de violence, nous considérons que cet article constitue une précaution inutile, particulièrement dans le contexte de la ville de Québec, où les manifestations se déroulent paisiblement depuis bon nombre d’années » rappelle Sébastien Harvey. S’il devait en être autrement, les dispositions du Code criminel permettraient aisément aux policiers d’intervenir.

« À moins de faire la preuve que les manifestations sans horaire ou itinéraire ou qui en divergent posent réellement un problème à Québec et que les forces de police ont des difficultés sérieuses à protéger la sécurité des citoyens dans ces circonstances, l’article 19.2 du Règlement nous paraît entraver le droit de manifester d’une manière injustifiable » conclut Sébastien Harvey.

 

La responsabilité des actes d’une personne ne peut être attribuée à d’autres

L’article 19.2 s’applique dans des conditions qui ne dépendent pas du comportement individuel. Le risque qu’une manifestation  devienne illégale  dépend du comportement de dizaines, voire de centaines de personnes. Ce qui assujettit le droit de manifester à des exigences totalement irréalistes en matière d’organisation et de discipline.

« Nous sommes d’avis qu’une infraction réglementaire qui donne aux policiers le pouvoir d’arrêter des manifestants pacifiques, en raison d’une « illégalité » qui dépendrait uniquement de la spontanéité de la manifestation, d’un changement de lieu, d’itinéraire ou d’horaire ou d’actes commis par des individus isolés, porte atteinte à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique. C’est pour ces différentes raisons que la LDL-Qc s’oppose au principe du « permis de manifester », quels qu’en soient les modalités » explique Sébastien Harvey. Malheureusement, le juge Ouellet déclare ce principe raisonnable et donc valide.

 

La manifestation, un moyen d’expression politique pour tous les citoyens

Dans son jugement sur l’article 500.1 du CSR, le juge Cournoyer rappelait sans équivoque que la voie publique est reconnue comme étant un lieu propre à l’expression collective et aux manifestations. La liberté de circuler des automobilistes étant relativisée par rapport à la possibilité de l’action collective dans les rues. Il admet ainsi qu’un certain niveau de perturbation est intrinsèque à l’acte de manifester.

La valeur de la manifestation en tant qu’instrument d’expression politique tient au fait qu’elle constitue un moyen d’expression simple et peu dispendieux. Elle permet à tous les citoyens, sans exception, de se faire entendre et de s’adresser collectivement à des institutions qui, autrement, paraissent hors d’atteinte pour l’individu isolé ou démuni. Il est dans la nature d’une manifestation que celle-ci cause une perturbation, tout comme la grève dans le domaine du travail. Pour donner plein effet à la liberté de réunion pacifique, il faut nécessairement que la protection du droit de manifester tienne compte de cet aspect. La limiter aux activités paisibles et inoffensives qui ne dérangent personne la viderait de son sens.

 

Effet paralysant

L’article 19.2 peut avoir un effet paralysant sur la liberté de réunion pacifique et la liberté d’expression des citoyens. Conçu comme il l’est, cet article fournit davantage un prétexte aux policiers pour réprimer massivement des manifestations, autrement parfaitement légitimes. D’ailleurs, l’expérience – à Québec depuis 2012 – de plusieurs arrestations de masse injustifiées démontre la réalité de cette crainte et la plupart des gens éviteront d’exercer leurs libertés plutôt que de risquer de telles sanctions. Ainsi, l’objectif initial de protéger le public se bute à une conséquence directe de l’application de la loi, qui est de faire peur à certains citoyens en limitant plus qu’il ne le faut leur liberté d’association et de réunion pacifique.