Au Québec, tous les enfants ont droit à l’éducation.
Pourtant, plusieurs élèves en situation de handicap ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (HDAA) sont scolarisé.e.s de façon partielle, à raison de quelques heures par jour ou par semaine, ou carrément renvoyé.e.s de l’école.
Autrefois anecdotique, l’exclusion de ces élèves s’est amplifiée dans les dernières années, ce que dénoncent notamment la Commission des droits de la personne et de droits de la jeunesse du Québec, l’Office des personnes handicapées du Québec, la Coalition de parents d’enfants à besoins particuliers du Québec et la Fédération québécoise de l’autisme.
Pour le Comité pour le droit à la scolarisation, l’école devrait être, sans compromis, un lieu ouvert à toutes et à tous. Elle devrait mettre en place les programmes et les services nécessaires pour accueillir et soutenir chaque enfant, pour favoriser leur développement et leur bonheur. L’exclusion ne devrait jamais être une option acceptable.
(Pour suivre la page Facebook du Comité pour le droit à la scolarisation.)
Des conséquences sur les élèves, leur famille et toute la société
La scolarisation partielle et la déscolarisation ont de lourdes conséquences. D’abord sur les élèves, qui ne font pas les apprentissages qu’il.les pourraient faire et, peut-être plus grave encore, qui se retrouvent exclu.e.s de leurs communautés et de la société plus large.
Pour les familles, les impacts sont également catastrophiques. Les parents dont les enfants fréquentent l’école de façon partielle, irrégulière, ou pas du tout doivent garder leurs enfants durant les heures normales de classe, ou alors trouver par eux et elles-mêmes des solutions alternatives, souvent coûteuses et précaires. Il devient alors très difficile pour ces parents de maintenir un emploi, des activités sociales et des loisirs.
Les mères particulièrement sont nombreuses à perdre leur travail salarié.
La scolarisation partielle et la déscolarisation des enfants mènent souvent à l’appauvrissement, à l’isolement social et à la détresse des parents, surtout des mères.
L’exclusion des enfants HDAA prive aussi l’ensemble des élèves et de la société des apprentissages qu’on peut avoir aux contacts d’autres façons d’être, et d’opportunités de penser autrement nos façons de vivre ensemble. En excluant ces enfants, c’est toute la société qu’on appauvrit.
Un problème sous-estimé
Au printemps 2021, le ministère de l’Éducation du Québec a publié un rapport dénombrant près de 1500 élèves des niveaux préscolaire, primaire et secondaire ayant vécu ou vivant un bris de service.
Mais attention! Ce nombre inclut uniquement les élèves pour qui la relation avec le milieu scolaire est définitivement rompue. Il exclut les élèves qui sont retiré.e.s de l’école pour une période plus ou moins longue, les élèves pour qui la scolarisation à temps partiel est prévue dans le plan d’intervention, sans que d’autres options soient offertes aux parents, de même que les élèves scolarisé.e.s par le milieu scolaire à domicile, à raison de maximum 5 heures par semaine.
Ce rapport sous-estime donc grandement l’enjeu de la scolarisation partielle et de la déscolarisation des élèves HDAA, qui reste à documenter adéquatement pour en mesurer l’étendue.
Une question de droits
L’éducation fait partie des droits inscrits dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) de même que dans la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Le droit à l’éducation pour les élèves HDAA sans discrimination est aussi garanti par la Charte des droits et libertés de la personne. De plus, la Loi sur l’instruction publique (LIP) oblige l’État à fournir des services éducatifs qui répondent aux besoins individuels des élèves HDAA. Pour sa part, la Politique de l’adaptation scolaire spécifie les grandes orientations et actions pour réaliser ces obligations.
En tant que gouvernement provincial soumis à ces différents instruments, le Québec doit respecter différentes obligations, soit :
- – L’obligation d’agir pour assurer le droit à l’éducation des enfants HDAA. Cela implique la mise en place de mesures législatives, administratives, budgétaires et judiciaires appropriées. Afin de contrôler la réalisation des droits prévus au PIDESC, dont le droit à l’éducation, l’information disponible est un élément fondamental, d’où l’importance de développer des indicateurs clairs ainsi que des rapports de suivi.
- – Le respect du noyau minimal essentiel du droit à l’éducation, ce qui comprend notamment l’éducation primaire universelle, obligatoire et gratuite, ainsi que l’éducation secondaire universelle et généralement accessible, le tout sans discrimination. Pour être en mesure d’évaluer le respect de ce noyau minimal essentiel, il est fondamental de disposer de données adéquatement ventilées. Des données sur la fréquentation scolaires des élèves scolarisé.e.s de façon partielle et déscolarisé.e.s constituent donc la base afin d’évaluer cet élément.
- – L’interdiction de mettre en place des mesures régressives. Une analyse budgétaire peut guider l’évaluation de cette obligation, mais également les répercussions entraînées par les réformes du système d’éducation. À titre d’exemple, les parents d’élèves HDAA ont perdu, depuis 2020, le siège qui leur était réservé sur les conseils d’administration des centres de services scolaires.
Un criant manque de ressources
Les parents d’enfants scolarisé.e.s à temps partiel ou déscolarisé.e.s reçoivent une diversité de raisons de la part de l’école pour expliquer les atteintes au droit à l’éducation de leurs enfants.
Un élément commun est le manque et l’instabilité des ressources, autant humaines que matérielles. Il en découle souvent un grand roulement dans les intervenant.e.s, des imprévus, des élèves en surnombre pour l’équipement et les locaux disponibles et un environnement qui ne convient pas à leurs besoins et défis (par exemple, l’anxiété ou les sur-sensibilités sensorielles). Tous ces bouleversements fragilisent grandement l’expérience scolaire des élèves et peuvent mener à des désorganisations, ce qui rend leur scolarisation encore plus précaire.
Le problème de l’exclusion scolaire des enfants HDAA s’inscrit donc dans un contexte de crise généralisée dans les écoles. Le personnel scolaire est surchargé : les intervenant.e.s sont souvent trop peu nombreux.ses pour les tâches à accomplir et cumulent de longues heures. Les conditions de travail sont généralement peu avantageuses : plusieurs détiennent des contrats précaires, avec différents quarts de travail ou des heures coupées. Les conditions salariales ne sont pas bonnes non plus, surtout pour les éducatrices.
La réalisation du droit à l’éducation et à la scolarisation de tous les enfants HDAA va de pair avec une plus grande valorisation du travail des intervenant.e.s scolaires, incluant de meilleures conditions de travail.
Pour améliorer les conditions de scolarisation des élèves HDAA et prévenir leur exclusion, les écoles doivent avoir une marge de manœuvre assez grande pour répondre aux besoins de chaque enfant. Plus de personnel, plus d’outils d’intervention et de formation, plus d’espace et plus de temps pour chacun.e mènent à des milieux scolaires plus stables et plus sereins, autant pour les élèves que les intervenant.e.s. Cela implique nécessairement l’ajout de ressources supplémentaires en éducation.
Ce qu’en dit le Protecteur du citoyen
Selon la Politique de l’adaptation scolaire, l’école a le devoir d’offrir des services éducatifs adaptés à chaque élève en fonction de ses besoins propres. La planification des services éducatifs devrait donc être basée sur le meilleur intérêt de chaque élève, incluant son épanouissement académique, personnel et social.
Cependant, le Protecteur du citoyen a constaté à l’été 2022 que c’est plutôt le financement disponible, déterminé à l’avance par le ministère de l’Éducation du Québec, qui détermine – et limite ! – les services éducatifs offerts aux élèves. En d’autres mots, le Protecteur du citoyen note que les services sont offerts « selon ce qui est possible » plutôt que « selon ce qui est nécessaire ».
En conséquence, le Protecteur du citoyen observe que « les organismes scolaires (c.-à-d. les centres de services scolaires et les commissions scolaires) ne disposent pas du personnel requis pour répondre aux besoins de tous les élèves. Ils doivent alors réaliser des choix qui peuvent compromettre l’accessibilité aux services appropriés au moment opportun. » Le Protecteur du citoyen recommande entre autres d’établir un seuil minimal de services éducatifs offerts à tous les élèves HDAA au Québec.
Plutôt que de limiter le droit à la scolarisation en fonction des ressources disponibles, il est impératif de mettre en place les ressources nécessaires pour assurer le droit à l’éducation et des conditions de scolarisation équitables pour tous et toutes.
Que revendiquons-nous?
Associé à Autisme Québec, le Comité pour le droit à la scolarisation est un comité de la Ligue des droits et libertés – Section de Québec. Il souhaite porter la question du droit à l’éducation et à la scolarisation des élèves en situation de handicap et en difficultés d’apprentissage et d’adaptation (HDAA). Il travaille principalement autour des enjeux de l’exclusion scolaire et de la déscolarisation, soit le fait que des élèves HDAA, pour diverses raisons, ne soient pas scolarisé.e.s à temps plein et-ou à l’école de par la décision de l’école ou du centre de services scolaire. Le comité s’intéresse également aux conditions de scolarisation de ces élèves.
Les revendications du Comité :
- – Qu’un état de situation soit produit par le MEQ afin d’avoir une vision juste de l’ampleur de la problématique et d’en suivre l’évolution, que celui-ci inclut la compilation et la publication des données touchant la déscolarisation et la scolarisation à temps partiel.
- – Qu’une réflexion soit initiée afin de dégager des pistes d’action structurantes, que cette réflexion implique les différentes parties prenantes (enseignants, gestionnaires, parents, élèves, organismes, responsables du transport scolaire, etc).
- – Qu’un plan d’action soit élaboré et mis en œuvre rapidement afin d’améliorer significativement la situation dès les prochaines années.
Des questions pour les partis politiques
L’éducation étant une compétence provinciale, il importe que les partis politiques qui souhaitent se faire élire prennent des engagements pour assurer le droit à la scolarisation pour tous et toutes. Cet enjeu ne concerne pas que les élèves touchés et leur famille, il s’agit d’un enjeu de société. Pour cette raison, le Comité pour le droit à la scolarisation fait parvenir aux partis politiques en lice une série de questions:
- – Que pensez-vous des conditions actuelles de scolarisation des enfants en situation de handicap et en difficultés d’apprentissage et d’adaptation (HDAA) et plus particulièrement des enjeux de déscolarisation et de scolarisation à temps partiel?
- – Comment comptez-vous agir pour qu’il soit possible de suivre adéquatement l’évolution de ces enjeux au fil du temps?
- – Si vous la jugez problématique, quels moyens mettrez-vous en œuvre pour améliorer la situation?
- – Comment, comme député.e ou comme gouvernement, pouvez-vous appuyer cette lutte? Comment pouvez-vous accompagner les élèves qui vivent une situation de déscolarisation et leurs familles? Comment comptez-vous soutenir les groupes de défense de droits qui supportent cet enjeu?
Les réponses des partis politiques et des candidat.e.s, et réaction du comité
Nous avons reçu un total de sept réponses à notre lettre et nos questions. Le PLQ et le PQ ont tous les deux choisis de présenter une réponse collective pour l’ensemble des candidat.e.s contacté.e.s. La candidate du PCQ dans Louis-Hébert nous a fourni une réponse individuelle, tout comme les candidat.e.s de QS dans Chauveau, Jean-Talon, Taschereau et Vanier-Les-Rivières. Nous n’avons reçu aucune réponse, individuelle ou collective, de la part de la CAQ.
L’ensemble des réponses étaient unanimes au sujet des constats suivants:
- Les conditions actuelles de scolarisation des enfants HDAA, incluant les enjeux de déscolarisation et de scolarisation à temps partiel, constituent une situation inacceptable sur laquelle il faut agir.
- Le besoin de collecte de données additionnelles pour faire un portrait juste de la situation est impératif.
- Un engagement d’être à l’écoute des familles / de leur donner une voix.
Globalement, même si nous remercions les partis et candidat.e.s qui ont pris le temps de se pencher sur la question et de proposer des pistes de solutions, nous considérons que l’appropriation de l’enjeu de la déscolarisation reste à faire. Une réflexion doit être entamée afin que les pistes proposées soient structurantes et que leur impact soit significatif. Le fait que l’ensemble des réponses soulignent l’importance d’une collecte de données adéquate est un pas dans la bonne direction, mais l’absence de réponse de la part de la Coalition Avenir Québec laisse croire que même ce premier pas n’est pas gagné.
Vous pouvez cliquer sur les liens suivants pour consulter l’ensemble des réponses, la lettre qui fut envoyée, et la réaction du comité.
- Cliquez ici pour lire la lettre que le comité a envoyé aux partis et candidat.e.s
- Cliquez ici pour lire la réponse collective du Parti Libéral du Québec (PLQ)
- Cliquez ici pour lire la réponse collective du Parti Québécois (PQ)
- Cliquez ici pour lire la réponse de Marika Robitaille, candidate du Parti Conservateur du Québec (PCQ) dans Louis-Hébert
- Cliquez ici pour lire la réponse de Jimena Aragon, candidate de Québec Solidaire (QS) dans Chauveau
- Cliquez ici pour lire la réponse d’ Olivier Bolduc, candidat de Québec Solidaire (QS) dans Jean-Talon
- Cliquez ici pour lire la réponse d’Étienne Grandmont, candidat de Québec Solidaire (QS) dans Taschereau
- Cliquez ici pour lire la réponse de Karoline Boucher, candidate de Québec Solidaire (QS) dans Vanier-Les Rivières
- Cliquez ici pour lire la réaction du comité à l’ensemble de ces réponses.
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