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Mar 02

Répression des grévistes étudiants à l’UL: la LDL-Qc dénonce

Le 2 mars 2023,

La Ligue des droits et libertés, section de Québec (LDL-Qc) dénonce fermement la répression du droit de grève des associations étudiantes par l’Université Laval (UL) accompagnée par le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ). Le samedi 25 février, le SPVQ est intervenu sur le campus de l’université pour expulser des étudiant.es tenant une ligne de piquetage dans le cadre d’un mandat de grève en appui au Syndicat des professeurs et professeures de l’Université Laval (SPUL). La LDL-Qc a recueilli des témoignages qui dévoilent une attitude et des pratiques liberticides de la part de l’UL, découlant de sa volonté de contrôler les manifestations étudiantes. Nous considérons que les mesures mises en place par l’UL sont injustifiables. Nous tenons à présenter les éléments que nous avons recueillis au courant de la semaine et qui nous mènent à ce constat. À la lumière de ces témoignages, nous demandons à l’Université Laval de reconnaitre ses torts et nous invitons d’autres acteurs et actrices à dénoncer la répression de la démocratie étudiante.

Dans un contexte politique tendu

Les évènements exposés ici s’inscrivent dans le contexte d’une négociation en cours entre l’administration de l’UL et le SPUL, concernant un accord sur une nouvelle convention collective. Face au refus de l’administration de l’UL d’accepter les revendications du SPUL, le syndicat des professeur.es a adopté un mandat de grève effectif depuis le 20 février.  Il existe donc un climat politique tendu à l’université. La pression exercée sur l’administration s’est accentuée la semaine dernière avec une mobilisation étudiante solidaire de la grève du SPUL. En effet, plusieurs associations étudiantes se sont solidarisées avec leurs professeur.es en adoptant des mandats de grève simultanés. Le 22 février, l’assemblée générale de l’Association des étudiant.es en sciences sociales de l’Université Laval (AÉSS) a ainsi adopté un mandat de grève solidaire avec le SPUL. Pour l’AÉSS, « la qualité de l’éducation dans un établissement universitaire dépend de l’enseignement et celui-ci est négativement influencé par les conditions de travail actuelles du corps professoral. »

Les évènements : une intervention policière pour mater une manifestation pacifique

Le samedi 25 février en avant-midi, dans le respect de leur mandat de grève, des membres de l’AÉSS ont établi une ligne de piquetage devant le local d’un cours d’économie dans le pavillon Charles de Koninck. Après avoir constaté la ligne de piquetage, la plupart des étudiant.es s’étant présentés pour assister au cours ont quitté les lieux[1]. Un peu plus tard, s’opposant au droit de grève des étudiant.es, le directeur du département d’économie M. Stephen Gordon s’est présenté sur la ligne de piquetage afin de confronter les grévistes et tenter de forcer la tenue du cours. La direction du département d’économie aurait également tenté d’intimider les étudiant.es à ce moment. De manière injustifiable, la direction et M. Gordon ont ensuite fait appel au SPVQ qui s’est présenté dans le pavillon avec un avis d’éviction, forçant les manifestant.es à quitter le bâtiment et brisant ainsi le piquet de grève. Les grévistes sont alors sorti.es du pavillon de manière pacifique, malgré le froid hivernal à l’extérieur. Aucune altercation physique n’a été constatée. Après avoir brisé la ligne de piquetage, en s’appuyant sur les forces policières pour mater la manifestation, la direction du département d’économie a ensuite tenu son cours, faisant fi du droit de grève étudiant.

Dans la foulée des évènements, la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU) a dénoncé la répression dans un communiqué : « La FQPPU dénonce dans les termes les plus vifs le recours par la Direction de l’Université Laval aux forces policières pour expulser des étudiant.e.s qui faisaient une ligne de piquetage dans le cadre d’un mandat de grève adopté par leur association pour soutenir les membres du Syndicat des professeurs et professeures de l’Université Laval (SPUL)[2]». Selon Louis-Philippe Lampron, porte-parole du SPUL, professeur de droit à l’Université Laval « la solution à une grève étudiante ne devrait jamais passer par la répression ». Il a dénoncé la répression employée par l’Université.

Au micro de Noovo, un représentant de l’AÉSS a dénoncé ainsi la répression subie le 25 février : « L’Université Laval a complètement bafoué notre droit de grève en appelant la police pour réprimer notre ligne de piquetage »[3].

La Ligue des Droits et Libertés, section de Québec dénonce entièrement la répression de la démocratie étudiante et du droit de grève des associations. Interpellée par l’atteinte flagrante aux droits des associations étudiantes, la LDL-Qc s’est rendue sur le campus de l’UL pour récolter les témoignages et décortiquer les évènements.

Témoignages : répression politique et tentatives d’intimidation

Le 28 février, la LDL-Qc a dépêché un observateur sur le campus afin d’assister à la tenue d’une nouvelle ligne de piquetage, et également pour rencontrer les étudiant.es victimes de la répression de samedi. Le compte-rendu des évènements révèle un climat répressif plus large à l’UL qui entoure l’éviction par le SPVQ.

Selon plusieurs témoins, l’UL ne s’est pas contentée de mater la mobilisation étudiante à l’aide d’un avis d’éviction et des forces policières. Avant la venue du SPVQ, des membres du personnel du Service de sécurité et de prévention (SSP) de l’UL auraient proféré des menaces à l’égard des étudiant.es, tentant de les dissuader de maintenir leur piquetage. Des grévistes témoignent s’être fait menacer de recevoir « des amendes de 500$ » pour leur action pourtant garantie par leur droit de grève. La direction de l’UL et le SSP considèrent-ils l’intimidation comme une stratégie légitime pour résoudre des problématiques de nature démocratique avec les associations ? Il faut rappeler que le SSP ne dispose d’aucune autorité légale permettant d’évacuer les étudiant.es ou de les arrêter.

En plus des menaces verbales, le SSP emploierait d’autres moyens d’intimidation. Depuis le début de grève étudiante, à l’aide de leurs téléphones portables, les agent.es du SSP seraient venus filmer à plusieurs reprises les manifestant.es. La LDL-Qc s’interroge sur la raison d’une telle pratique. S’agit-il d’une mesure de surveillance supplémentaire, s’ajoutant aux vidéos déjà captés par les caméras de surveillance dans les couloirs du pavillon ? S’agit-il d’une pratique « spectacle » sensée intimider les manifestant.es pouvant craindre un profilage individuel dans le futur ? La direction de l’UL et le SPP sont appelés à clarifier les raisons de cette pratique douteuse.

Les associations n’ont pas été découragées de poursuivre leur mobilisation. Le 27 février, des grévistes ont tenu.es un sit-in pacifique dans le bureau du vice-rectorat. À nouveau, des témoins rapportent avoir subi de l’intimidation de la part du personnel du SSP. Environ 5 agent.es du SSP se sont présenté.es sur les lieux du sit-in. Ces derniers auraient barré les accès aux sorties et de nouveau proféré des menaces aux grévistes. Cette fois, les forces policières n’ont pas été appelées à intervenir. L’UL aurait-elle reconnu à bas bruit avoir commis une erreur la veille ?

Une atteinte à la liberté d’expression

La répression des manifestations de l’AÉSS porte atteinte au droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique protégé par la Charte canadienne des droits et libertés. Faire appel au SPVQ pour briser la ligne de piquetage de l’AÉSS apparait clairement comme un acte liberticide de la part de l’UL. La LDL-Qc demande à la direction de reconnaitre son tort.

Notre demande est d’autant plus justifiée que nous constatons une volonté opposée de la part de l’UL. En effet, nous considérons que l’administration use de la désinformation pour couvrir son atteinte aux droits des associations étudiantes. L’UL s’est défendue de tout reproche : « Selon l’Université aucune répression de la démocratie étudiante n’a été exercée »[4]. Devant l’accord unanime des observateurs dénonçant la répression, pourquoi l’UL tient-elle obstinément à défendre cette position ? Le choix de communication de l’UL nous apparait comme une tentative de balayer ses torts sous le tapis et d’échapper à davantage de pression alors qu’elle est déjà engagée dans un conflit médiatisé avec le SPUL.

Malgré la dénonciation d’un climat répressif par plusieurs, l’administration polit son discours et son image en se prêtant des valeurs d’ouverture. Dans une lettre publiée le 27 février – le jour même de l’intervention du SPVQ – l’UL assure se soucier de la communauté étudiante : « Comme étudiantes et étudiants, votre bien-être et votre réussite sont nos principales préoccupations depuis le premier jour. Nous comprenons bien votre désir de voir un dénouement rapide afin de poursuivre votre projet d’études et de recherche avec vos professeures et professeurs » [5]. Comment, la répression peut-elle être considérée comme un outil légitime pour parvenir au « dénouement » des différentes revendications actuelles? Dans l’esprit du SSP, l’intimidation permet-elle de veiller au « bien-être » des étudiant.es ?

Nous percevons la tentative de confusion de l’administration comme un frein envers l’instauration d’un dialogue démocratique sain entre l’UL et les associations étudiantes. La désinformation ne peut cacher l’usage de la répression devenue politique dans le contexte général des grèves à l’UL.

À Québec, il faut continuer à défendre le droit de manifester

Rappelons que le droit de manifester est une composante de la liberté d’expression protégée par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et la Charte canadienne des droits et libertés. Depuis des années, la défense du droit de manifester constitue une lutte importante dans la ville de Québec. La LDL-Qc a toujours milité activement pour le respect du droit de manifester des citoyen.nes de Québec. Dans le prolongement de cette lutte, nous considérons que les actes liberticides de l’Université Laval – que nous avons exposés – doivent être dénoncés par l’ensemble des acteurs et des actrices qui tiennent à défendre la vie démocratique.

Ligue des droits et libertés – Section Québec

[1] Étienne, F. 25 février 2023. Des grévistes expulsé.es par la police. En ligne : http://impactcampus.ca/actualites/grevistes-expulses-police/?fbclid=IwAR1af7oq1KGSE3OzPe7bOpC3QU-BYVTQhJvAZ0N2KbEV979CHI8zKlWffFY

[2] FQPPU. 25 février 2023. Grèves étudiantes et interventions policières : la FQPPU condamne la répression de la démocratie étudiante par l’Université Laval. En ligne :  https://www.newswire.ca/fr/news-releases/greves-etudiantes-et-interventions-policieres-la-fqppu-condamne-la-repression-de-la-democratie-etudiante-par-l-universite-laval-895285529.html?fbclid=IwAR0GoblTxPT6R0VzBvINu8eQleSIiBgBthMCOZG1ZYOEW8vtWBSPe86Sb8I

[3] Alain-Houle, J. 28 février 2023. La grève des professeurs de l’Université Laval pourrait se prolonger. En ligne : https://www.noovo.info/video/la-greve-des-professeurs-de-luniversite-laval-pourrait-se-prolonger.html

[4] Alain-Houle, J. 28 février 2023. La grève des professeurs de l’Université Laval pourrait se prolonger. En ligne : https://www.noovo.info/video/la-greve-des-professeurs-de-luniversite-laval-pourrait-se-prolonger.html

[5] Darveau, A et Bergeron, C. 27 février 2023. État de la situation en lien avec la grève du SPUL. En ligne : https://nouvelles.ulaval.ca/2023/02/27/etat-de-la-situation-en-lien-avec-la-greve-du-spul-a:0ca0d97e-9973-43e0-8a12-335de41e3fd8